Témoignages : être sans-papiers à Nice

Extrait du numéro 8 de La Voix des sans-papiers du 16 mai 2012

Notre reportage (réalisé fin avril ; début mai pour la CGT) se fonde sur les témoignages des personnes suivantes (en ordre chronologique des entretiens), qui toutes nous ont fourni des renseignements, soit généraux soit ponctuels, en plus des points nommément mentionnés ci-après. Teresa Maffeis (COVIAM, comité de vigilance des Alpes- Maritimes, RESF06, ADN, Association pour la démocratie à Nice) et Ryzlène Dahhan (COVIAM, étudiante en sociologie), pour les Tunisiens de Vintimille ; Hubert et Bernard (associations Vie et partages et Habitat et citoyenneté), pour le travail de terrain, hébergement, etc. de personnes en difficulté, sans-papiers ou demandeurs et déboutés d’asile ; Inge, pour l’historique et le travail du COVIAM ; Annie (RESF06, et ses «cercles du silence» chaque mardi à Masséna, la place centrale de Nice) ; Gérard Vincent (Secours catholique et Le tremplin), pour le travail de terrain envers les jeunes à la rue ; les gens du collectif CGT06 des travailleurs sans-papiers.

Au moment où se prépare le départ des collectifs parisiens de sans-papiers pour aller marcher sur les routes d’Europe, franchir en caravane des frontières plus que physiques entre États communautaires, rêver de forcer les portes et l’horizon de la forteresse européenne par une action «symbolique» main dans la main avec des sans-papiers d’Allemagne, d’Italie et de Suisse, il nous a semblé qu’il y avait lieu aussi de prendre le chemin inverse et revenir en arrière, enquêter sur le terrain de la «France profonde», à Nice, dernière étape, il y a deux ans, de la marche Paris-Nice des sans-papiers organisée par les mêmes collectifs parisiens.

Nice ville-soleil, Nice ville-flic. Profonde de mille mètres dans cette mer de la France qui hait l’étranger, et qui l’aime aussi. L’accueil chaleureux fait aux marcheurs parisiens il y a deux ans par les associations et syndicats niçois en témoigne, il est resté dans les cœurs et les corps comme l’envie d’un bain de soleil et de fraîcheur. Complice, sans doute, une telle envie (l’écho en résonne parfois encore dans la voix de certains, régularisés depuis), se prépare la marche d’aujourd’hui.

Qui vient de Paris, un Paris pourtant quadrillé par les rondes de soldats en tenue de combat et mitraillettes armées, dans le cadre du plan Vigipirate, est frappé par cette débauche d’uniformes bleu marine à tous les coins de rue, et de voitures de police sillonnant à tout moment les boulevards et les avenues, à croire que la France bleu marine s’est donnée un perpétuel rendez-vous dans les principales artères de la capitale de la Côte d’Azur. Débauche de période électorale ? Pas seulement, d’après plusieurs témoignages. Avant cela, volonté affichée de répression permanente, sans cesse croissante des autorités locale et préfectorale. Dans cet ordre : locale et préfectorale, précise Annie. «Le préfet actuel est l’ancien directeur de cabinet du maire quand il était ministre de l’Industrie. C’est lui qui l’a fait nommer. Le maire est un familier notoire de Sarkozy.»

Ce qui est patent, c’est que la police municipale fait partie intégrante de la marée bleu marine, aussi bien pour les uniformes que pour l’armement et l’emploi en service d’ordre public (témoignage de visu), ou encore pour le quadrillage social de la ville et de la population. Pour qui vient de l’extérieur, 1 impression est d’une ville quasiment en état de siège.

Nice est une ville de gens aisés, de spéculation dans l’immobilier et les travaux publics (selon Teresa), de retraités et de touristes. La douceur du climat ne suffit plus à les attirer, il faut leur servir aussi des prix compétitifs et leur vendre l’apparence qu’on veille sur leur sécurité. Cela vient s’ajouter à un socle préexistant. Teresa : «Nice est une ville de pieds-noirs. C’est la base électorale de la droite, voire plus, de l’extrême droite. Celui qui veut y régner doit faire une politique raciste.»

Les témoignages sont unanimes là-dessus : être sans-papiers, c’est la vie dure et même très dure sous le rayonnant soleil niçois. Car la peur domine chez ces personnes ; la peur, et donc une sorte de claustration d’esclaves plus ou moins «volontaires». Les administrations locale et préfectorale misent ouvertement sur la hantise de l’arrestation pour délit de faciès et de situation administrative irrégulière, où vivent les immigrés du travail.

A la manifestation syndicale du 1er mai, un tract de RESF, à l’intention des salariés de Pôle Emploi et d’autres services publics (au logo «Pôle Emploi» transformé en «police emploi»), titrait «Non à la délation !». «Envoyer à la préfecture les copies des cartes de séjour des étrangers, ce n’est pas votre métier. Résistez aux pressions, aux chantages de la hiérarchie. Refusez de piéger les gens.» A la même manifestation, un tract du Collectif CGT des travailleurs sans-papiers posait d’emblée cette question : «La préfecture inciterait-elle et encouragerait-elle le travail au noir ?»

De fait, le travail au noir est très courant notamment chez les patrons de droite (selon Teresa) : «C’est la fabrique des pauvres de demain : retraites de faim et tout ce qui s’ensuit.»

C’est sans doute à cause de ce climat de peur entretenu par les autorités publiques qu’il n’y a pas à Nice d’activité autonome des sans-papiers (collectif CGT à part). Mais ça n’a pas toujours été comme cela. Inge se souvient de la grève de la faim des Cap-Verdiens en 1991. Soixante-dix déboutés du droit d’asile avaient, de leur propre initiative, occupé l’église Sainte-Hélène, avenue de la Californie. Ils avaient tenu durant un mois, et obtenu presque tous une carte de séjour.

Mais le revers de la médaille de ce pouvoir politique extrême n’est pas seulement négatif, note Gérard. «Le pouvoir auquel nous avons affaire est si xénophobe, si musclé, que nous sommes obligés de nous rassembler pour exister. Un collectif informel, un réseau de solidarité se forme immédiatement, s’il y a un problème. C’est grâce à cette force spontanée et multiforme que nous pouvons tenir, faire du bon travail, et même gagner contre le pouvoir et la répression.»

Cela toutefois s’explique aussi, d’après Teresa et Bernard, par une forte tradition d’associationnisme local, qui est vivant (voire institutionnalisé) dans maints domaines, et bien niçois, avec parfois des associations puissantes (pouvant dépasser les 300, 400 employés) et indépendantes des grandes associations nationales même quand le nom est identique. La base en est assez souvent une tradition enracinée de bénévolat chrétien caritatif et populaire (selon Bernard), sans lien avec quelque force politique que ce soit.

Quelque chose d’analogue se retrouve dans l’aide aux personnes démunies, aux étrangers qui arrivent en France ayant besoin de toutes sortes de solidarités, de l’aide juridique à la prise en charge de leur subsistance et hébergement, qu’il s’agisse de demandeurs et déboutés d’asile ou de sans-papiers. Cette prise en charge charitable (ou du moins secourable) de la part des associations expliquerait aussi, en partie, l’absence d’une tendance à un mouvement revendicatif autonome des sans-papiers, comme à Paris.

Le Coviam

Le Comité de vigilance des Alpes- Maritimes est la première en date et la principale association niçoise d’aide à l’exercice des droits des sans-papiers. «Une structure qui a vu le jour de manière informelle en 1991, quand, dans toute la France, beaucoup de demandeurs d’asile qui y étaient depuis dix ans et plus ont été subitement déboutés. Le MRAP et la CIMADE ont décidé de faire quelque chose. On a commencé à se réunir, à les accueillir, à les suivre dans leurs démarches auprès de l’administration.» C’est alors qu’a eu lieu la grève de la faim des déboutés cap-verdiens. «Nous avons soutenu cette action avec vigueur. Des personnes d’autres associations nous ont rejoints, et, quatre ans plus tard, nous nous sommes aussi transformés en association, sans toutefois jamais demander ni accepter de subventions publiques, pour garantir notre indépendance.»

Comité de vigilance au sens de surveiller les agissements des institutions administratives et le déroulement des procédures judiciaires, afin d’y exercer un contrôle public effectif. «Le cas du Toi de Nice peut donner une idée. Avant notre décision d’aller y assister, les audiences se tenaient dans le bureau du juge, qui n’est pas un lieu d’audience publique. Depuis, elles se tiennent dans une vraie salle d’audience, publiquement, selon les règles.»

Après ce début avec les déboutés du droit d’asile, et cela jusqu’à aujourd’hui, l’autre et principale activité du COVIAM a été l’aide juridique aux sans-papiers. Deux permanences hebdomadaires, les mercredis et jeudis, dans les locaux du Secours catholique, 3 rue Rouget-de-Lisle ; des permanences aussi à Cannes et à Grasse. «Nos activités pratiques ? Monter les dossiers, en assurer le suivi, aller aux réunions en préfecture. Nous y avons organisé des semaines d’observation continuelle aux guichets, publié un livre blanc. Pour exiger les régularisations, nous faisons des actions-surprises à l’intérieur même de la préfecture : avec des familles de sans-papiers, avec des comédiens jouant des saynètes, avec des enfants (dès avant la création de RESF), ou encore : affiches, manifestations, parrainages, etc.»

Le travail de terrain

Hubert est l’homme de terrain par excellence. C’est lui qui, avant tout autre, s’occupe de loger les personnes en difficulté qui s’adressent aux deux associations du 38 rue Dabray (notamment Habitat et citoyenneté, précise-t-il).

«Nous avons un accord avec un foyer de jeunes travailleurs, ils hébergent pour nous des jeunes reconnus réfugiés. Nous louons aussi un appartement à une commune de l’arrière-pays, en ce moment y loge une famille entière de demandeurs d’asile. Une ancienne imprimerie désaffectée nous a été louée gracieusement par une autre association. Y sont hébergés des célibataires, ce sont ceux qui ont la vie la plus dure, ils trouvent difficilement à se loger. 23 en permanence, avec des situations administratives très variées, ça peut aller de l’étudiant sans logement au sans-papiers, en passant par le débouté d’asile. Dans les six derniers mois, 50 personnes ont fréquenté ce lieu. Il y a en plus un ou deux sympathisants qui y passent la nuit pour garantir la sécurité.

«Parfois, dans des situations particulières, nous louons des chambres d’hôtel, des places dans les campings. Nous n’avons pas de financements publics, nous faisons face à l’urgence, là où l’administration est défaillante, avec nos fonds, qui viennent de particuliers ou d’autres associations. D’autres hébergements, même de longue durée, sont trouvés dans le réseau niçois (Resf06 etc.), chez des familles.

«Aggravation de la pauvreté, augmentation du nombre de sans-papiers et demandeurs ou déboutés d’asile : on est loin de pouvoir satisfaire aux besoins. C’est pourquoi nous soutenons les familles et les personnes qui n’ont d’autre solution que de s’installer dans des logements vides. Nous jouons les médiateurs dans les rapports avec EDF, la police, etc. On fournit une attestation indiquant que ces gens sont suivis par nous dans toutes démarches administratives et juridiques. A Nice ville, le chiffre connu de logements vides est de 11 000 ; ce chiffre comprend aussi les logements sociaux vides, 3 000 en tout dans le département…»

Mais voilà qu’un jeune se présente. Une occupation vient de s’ouvrir. Lui et ses copains, demandeurs d’asile d’une minorité russe, ont quitté le lieu précédent pour éviter l’expulsion par la police. Il demande de l’aide. Voilà Hubert parti au plus pressé. Lorsqu’il revient : «Actuellement, nous suivons une vingtaine d’occupations de ce genre, par des familles non en situation irrégulière : demandeurs d’asile, déboutés en attente du réexamen… En novembre-décembre 2010, nous avons suivi l’occupation d’un immeuble de cinq étages en centre-ville. Ça a fait du bruit, la une des médias niçois et régionaux, même nationaux. Les occupants, plus d’une vingtaine de familles avec enfants, ont tenu cinq semaines avant d’être expulsés par la police, suite à un référé. A six heures du matin, par un temps glacial comme rarement à Nice. 120 personnes sur le trottoir, bagages et tout, une quarantaine d’enfants partis à l’école tout bouleversés, une femme enceinte hospitalisée suite à un malaise… Nous avons trouvé des solutions d’urgence pour la plupart des familles, mais nombre de célibataires se sont retrouvés à la belle étoile en plein hiver. Avant, il y avait eu trois descentes de police, toujours à six heures du matin, pour surprendre les irréguliers. La plupart des familles étaient en attente de réadmission dans d’autres pays européens, mais deux familles tchétchènes au complet ont été expulsées.»

Gérard aussi a son mot à dire sur cette occupation de l’avenue Clémenceau, qui a mobilisé tout le réseau niçois. «L’immeuble, de propriété du CHU de Nice, était vide depuis plusieurs années et il est toujours vide. Le président du CHU est le maire de Nice. Dans sa déclaration à France 3 Côte d’Azur, pour sa justification il n’a trouvé que le formalisme légal du droit de propriété. Pour Estrosi, une loi supérieure, qui est celle du secours à personnes en danger, n’existe pas. L’expulsion a été très violente. La vidéo est sur le site de l’Association pour la démocratie a Nice.» Le Tremplin (Secours catholique) accueille des jeunes à la rue, sans-papiers et déboutés du droit d’asile. «Nous leur apportons une aide matérielle alimentaire et pour l’hygiène personnelle (douches). Pour les autres problèmes, nous les adressons, pour la santé, à Médecins du monde, et, pour le juridique, au COVIAM ou à des avocats du réseau. Je me souviens en particulier, entre avril et octobre 2009, d’une centaine d’Erythréens, Soudanais et Somaliens sans hébergement, alors qu’ils avaient des récépissés en règle. En 2011, le flot des Tunisiens. Au Tremplin, on aime d’une manière inconditionnelle les gens qu’on reçoit, un respect et une relation humaine s’instaurent. Ce soutien moral est capital, il leur permet de tenir. Ma formule est : écouter, regarder, aimer.»

Les Tunisiens

Teresa: «C’est en mars 2011 que nous avons été prévenus que beaucoup de Tunisiens étaient bloqués à la frontière de Vintimille par le refus français de les laisser passer malgré le « permesso«  [permis de circuler valable six mois] délivré par l’Italie aux Nord-Africains de Lampedusa. Un « train de la dignité » venant du Sud de l’Italie était en préparation à l’initiative d’associations italiennes pour accompagner d’autres Tunisiens voulant se rendre en France. Une manifestation était prévue à la frontière. On nous demandait de nous mobiliser, nous aussi, pour exiger la liberté de circulation en Europe.»

Le jour de l’arrivée du train, en avril, par ordre du préfet des Alpes-Maritimes, le trafic ferroviaire a été interrompu, côté français, pendant dix heures, de 11 h du matin jusqu’à 19 h, une fois les manifestants repartis. En gare de Vintimille, pagaille complète. «Vaines ont été nos protestations, le refus français a été inébranlable. Les Tunisiens, environ 180, ont dû être hébergés par la Croix rouge militaire italienne dans une caserne désaffectée à quatre kilomètres de la ville.» [Vidéo de cette journée sur le site de l’Association pour la démocratie à Nice] Cette situation a duré jusqu’au 6 juin, quand la plupart des Tunisiens sont repartis en Italie, trois régions italiennes leur ayant promis un hébergement et du travail. «En attendant, tous les jours, de nouveaux arrivants, et aussi des partants qui passaient la frontière aidés par leurs familles ou par des militants. Bref, la solidarité s’est organisée, il s’agissait de trouver de quoi les nourrir, et puis des vêtements, des produits d’hygiène… Plusieurs associations, à Nice (dont une tunisienne), à Menton, dans la Roya, se sont distinguées, et aussi des particuliers.»

A Nice, entre-temps, sévissaient la préfecture et sa chasse aux sans-papiers tunisiens. Des rafles, notamment dans les foyers ADOMA (ex-SONACOTRA), sur le mode spectaculaire. A six heures du matin, cars de CRS, police nationale, chiens, hélicos, et journalistes de Nice-Matin convoqués expressément pour relater ces exploits policiers contre des jeunes placés au CRA pour être renvoyés en Italie.

Pour finir, ces mots d’un jeune Tunisien au juge des libertés : «Monsieur, je peux vous poser une question ? Je suis venu voir mon père qui habite dans ce foyer, mon père que je n’ai pas vu depuis neuf ans. Pourquoi vous m’envoyez des hélicoptères et des chiens pour m’arrêter ?»

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Collectif contre la corruption et pour le changement (Mali) : Pourquoi nous ne voulons plus de ce système

Extrait du numéro 8 de La voix des sans-papiers du 16 mai 2012

La Voix des sans-papiers a récemment publié sur le Mali un numéro spécial (26 octobre 2011), puis un supplément de deux pages dans son dernier numéro (6 février 2012). Les sans-papiers maliens sont souvent majoritaires dans les collectifs parisiens, et toujours à la pointe des luttes ; ils gardent un lien très étroit avec leurs familles, leurs villages, leur pays, à qui ils assurent, par leurs transferts d’argent, un flux important de survie. Sans ce flux qui dépasse les aides internationales, qu’en serait-il de ce pays du Sahel rongé par la soif et la faim, de ces enfants dont rien que les images de dénutrition nous sont si insupportables ? De là l’intérêt direct de ces sans-papiers pour les événements récents (coup d’État militaire, déclaration d’indépendance du Nord) qui ont attiré sur le Mali l’attention mondiale.

Les deux numéros cités traitaient de la région de Kayes, à l’ouest du Mali. A travers les témoignages sur l’exploitation industrielle de l’or, c’était déjà tout un système de corruption national qui venait au premier plan. Le texte (30 mars 2012) que nous publions maintenant, dû à un collectif de ressortissants maliens, se focalise sur ce système de pillage national mis en place par les gouvernants d’un pays parmi les plus pauvres au monde.

Certains côtés importants de la vie des villages, du moins dans l’Ouest malien, offrent encore un contraste saisissant avec cette mafia institutionalisée. Pour approfondir cet aspect déjà affronté dans les numéros précédents, nous publions en regard une première partie d’une interview réalisée début février avec Sissoko, coordinateur de la CSP75.

Depuis son élection à la tête de l’État, Air (Amadou Toumani Touré) s’est illustré par la pensée unique, la gestion opaque, familiale, clanique et amicale des affaires publiques du Mali. Pendant sa présidence, entre 2002 et le 21 mars 2012 [date du putsch militaire], il s’est organisé et constitué au Mali une véritable mafia d’État, une économie criminelle organisée (trafic de drogue et d’armes, blanchiment d’argent, enlèvements et demandes de rançon), sur une base de corruption institutionnalisée et généralisée, haute délinquance financière, enrichissements personnels sur les deniers publics, bafouement de la démocratie et des libertés fondamentales, censure, favoritisme.

Pour assurer et dissimuler ses affaires, le clan ATT a créé une situation sans précédent par son aide – et jusqu’à l’octroi d’une base arrière dans le Nord du pays – aux bandes criminelles et groupes terroristes, au mépris de la sécurité et stabilité nationales et des pays frontaliers.

Pour la fin de son second mandat (avril 2012), l’ex-président voulait écarter la tenue des élections présidentielles. Des faits concrets, des preuves irréfutables montrent qu’il avait entrepris de rester illégalement au pouvoir, contre l’hostilité du peuple malien. Il s’était attelé à créer une situation lui permettant de prolonger son régime : une guerre interne ad hoc, dite de « rébellion touareg », fut planifiée et organisée par l’activation de mercenaires de feu son allié et ami Muammar Al Kadhaffi.

En intelligence avec cette rébellion armée, le régime priva à plusieurs reprises l’armée malienne des moyens élémentaires de défense : munitions, ravitaillement,  matériel nécessaire et disponible. De nombreux militaires ont été ainsi assassinés. ATT s’est rendu coupable, non seulement de crimes économiques et politiques, non seulement de violations constantes et graves de la Constitution, mais de haute trahison envers l’armée et envers le peuple malien tout entier.

L’image du Mali est aujourd’hui tellement ternie par les scandales que le pays est suspendu même des financements internationaux de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Suspendu une première fois en 2010 (subventions contre le paludisme et la tuberculose), et une deuxième en 2011 (subvention contre le sida, 13,91 millions de dollars pour des programmes de prévention), à la suite de vérifications du Fonds mondial qui ont révélé que les sommes pour la lutte contre ces maladies avaient été détournées. Cet exemple est extrêmement parlant : combien de milliers d’enfants, de femmes enceintes, d’hommes sont morts et continuent de mourir, faute de soins, pourtant financés par les citoyens du monde pour venir en aide au Mali ?

La pauvreté croissante (plus de 70% des Maliens), les graves conditions de vie de la population sont dues en grande partie à la gestion criminelle des affaires publiques.

Le dernier rapport du précédent Vérificateur général du Mali [équivalent de la Cour des comptes française] a trouvé que plus de 388 milliards de francs CFA (soit plus de 835 millions de dollars) ont été détournés du budget national entre 2004 et 2010. Tous les responsables pourraient être identifiés s’il y avait la volonté politique, note-t-il. Mais les responsables sont toujours libres, même ceux des affaires les plus odieuses. Par exemple, 400 millions de francs CFA ont été affectés au creusement de puits dans le Nord, puits qui n’ont jamais été creusés, alors même que des populations continuent de mourir de soif chaque jour au Mali.

Voilà nos élites politiques. La politique est devenue, au Mali, la manière la plus facile de s’enrichir aux dépens du peuple, d’être puissant, d’avoir tous les droits : rien ne peut se faire au Mali sans passer par la corruption. S’expatrier reste la seule solution alternative pour nombre de Maliens afin de subvenir aux besoins de leurs familles.

Sous la présidence d’ATT, la destruction du système éducatif s’est achevée, il est désormais le dernier au monde selon les normes de classement international. Les enfants des responsables de sa gestion n’étudient pas au Mali, ils fréquentent les meilleures universités du monde, leur avenir est assuré. De même, les élites et leurs enfants ne sont pas touchés par la dégradation des hôpitaux et dispensaires, ils ne se soignent pas là où le peuple se soigne.

L’injustice sociale n’est plus un tabou, c’est le lot de chaque jour. Le Mali s’appauvrit, la vie coûte si cher que travailler ne permet plus de vivre. Il n’existe aucune possibilité de demander des comptes, de se plaindre, d’être entendu. Les Maliens et les Maliennes ne se sentent plus concernés par les affaires du pays, le sentiment d’appartenir à la nation ne cesse de disparaître. Voilà les bienfaits de la «démocratie » sous ATT.

Quant à la vie chère, c’est encore le clan ATT, ses protégés, qui sont les vrais importateurs des produits de première nécessité. Après avoir dépouillé par milliards les fonds publics, ils font leurs affaires en fixant les prix des produits importés ; sans, par surcroît, payer de taxes douanières. Au Mali, très peu de familles arrivent à s’assurer deux repas quotidiens corrects et équilibrés.

La jeunesse ne peut obtenir ni emploi ni même le moindre stage, sans protecteur puissant, sans connaissance dans l’administration. Ou sinon, par des sommes d’argent que les familles n’ont le plus souvent pas. La jeunesse est désespérée.

C’est grâce au soutien financier de millions de Maliens expatriés que survivent les villages et les familles restées au pays. Pour tout remerciement, les expatriés ne reçoivent aucune assistance pour les problèmes rencontrés à l’étranger. Les consulats et ambassades du Mali, ce n’est que tracasseries administratives sans fin. Sauf monnayant finance.

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